Voyage au bout de la peur ( Partie 1)
Publié le 29 octobre 2014 par Trought the Bat
La peur
À la fois arme et nemesis de Batman, c’est la peur que nous allons traiter le long de cette review. Nous allons commencer par l’analyse du premier tome de la série “Le Chevalier Noir” édité en 2012 et qui est le premier volet d’une trilogie ayant pour thématique le même sujet : La peur sous toutes ses formes. Cela constituera notre cœur d’analyse pour tout l’aspect psychologique de l’ouvrage.
Pour ce qui est du synopsis
L’apparition d’une nouvelle ennemie coïncide avec l’évasion de l’ensemble des pensionnaires de l’asile d’Arkham. Double Face, Poison Ivy, et Bane déchaînent leur fureur sur la ville de Gotham amenant le Chevalier Noir au bord de la folie…
Superman, Wonder Woman et Flash ne seront pas de trop pour lui venir en aide !
À propos des auteurs, nous avons pu retrouver le dessinateur/scénariste David Finch dans “La Nouvelle Aube“, imposant un style graphique riche, puissant et beaucoup plus dense que celui de Tim Roth dans “Un Long Halloween“, “Terreurs Nocturnes” s’adresse à un public différent que celui du dernier opus alors étudié (Cf. “Croyez vous en Gotham City ?”). Les lecteurs en général se retrouvent alors quelque peu désorientés par le scénario qui peut paraître dans un premier temps quelque peu faible mais qui répond alors à un besoin d’équilibre dessin/scénario. L’un étant plus riche que l’autre, et ce pour répondre à une volonté d’exprimer du spectaculaire plutôt qu’une histoire réellement profonde.
Mais cela serait alors négliger le thème principal abordé dans ce premier tome et dans les suivants ; celui de la terreur sous toutes ses formes.
Physiques, mentales, psychologiques, la peur éprouvée par les protagonistes va alors être le moteur de toutes les situations que nous allons étudier un peu plus loin, et ces dernières auront une influence non-négligeable auprès du Justicier de Gotham.
Nous allons donc aborder les peurs primales utilisées tout au long de l’ouvrage et qui vont directement toucher Batman, pour ensuite étudier l’ambiance si spécifique du climat de solitude de ce dernier face à ses ennemis.
Peurs primales
Comme je l’ai dit précédemment, la question posée par “Terreurs Nocturnes” est la suivante : La peur peut-elle toucher celui qui l’inspire ?
La réponse commence au tout début de l’aventure avec l’évasion massive des prisonniers d’Arkham dans la ville de Gotham City, une histoire habituelle penserez-vous, la différence étant que ces derniers sont littéralement gavés d’une drogue les rendant surpuissants et spectaculaires.
Double Face, Le Marionnettiste ou Gueule d’Argile (on remarquera le dessin des plus sophistiqué dans le métro de Gotham) vont alors s’avérer aussi forts voir davantage que notre héros. C’est donc ici l’une des premières peurs abordée dans Le Chevalier Noir ; celle du dépassement des ennemis face au courage de Batman.
Fort heureusement, ces derniers seront littéralement dévorés par la haine et la colère, nous pouvons voir ici une métaphore de leur incapacité à se mettre au niveau de Bruce Wayne. Cette peur, qui va se confronter au héros, va aller en crescendo au fur et à mesure de l’histoire.
A noter, le départ de cette chute dans la tourmente sera marquée par l’entrevue du Chevalier Noir avec Harvey Dent (Double Face), qui, par ironie, compare la fatigue mentale ressentie par Batman à l’ascension dans une addiction fatale.
La seconde peur à laquelle va être confronté Batman se portera sur la perte de ses proches. À commencer par ses amis au travers les péripéties de Flash.
Ce dernier lui portant rescousse sur un lieu bien étrange, Barry Allen va alors se retrouver confronté au poison fatal concocté par Poison Ivy.
Et c’est ici que commence une course contre la montre pour la survie de l’Eclair Rouge. Ça sera alors pour Batman un autre coup dur et un autre aspect de la peur à aborder : s’étant donné pour mission de ne pas tuer les Vilains, sa mission principale reste avant tout de sauver les innocents et en particulier ses alliés, quitte à aller jusqu’au sacrifice. Il faudra alors comprendre pour Batman que le prix pour découvrir le mystère de son enquête devra alors être un sacrifice désintéressé de sa personne ainsi que de son entourage.
Enfin, nous arrivons au cœur de la peur du Chevalier Noir, celle qui a alors façonné le gardien de Gotham en instrument de terreur : à savoir la disparition de ses parents dans la rue de Crime Alley.
Cet événement sera abordé lors de la confrontation face à l’Epouvantail et à sa lutte interne comme l’assaut de ses démons intérieurs.
En une page, ces derniers lui donneront la force de combattre le poison en une seule phrase : “Tu n’as pas à avoir peur, fils”.
Et c’est ici que cet événement prend tout son intérêt, la mort de Thomas et Martha Wayne est-elle la plus grande peur de Bruce, ou sa principale source de motivation ?
Cette question est souvent abordée dans de nombreux ouvrages et même dans Batman Begins de Christopher Nolan (la relation père/fils est alors fusionnelle mais exacerbera la peur de la perte de ses proches).
Nous allons étudier alors cette peur primale qu’est la solitude face à une déferlante de violence.
Seul contre tous
Justice League , Bat-Family , Nightwing , Red Hood… Autant de super-héros que peut compter Le Chevalier Noir dans ses nombreuses aventures, que cela soit pour éviter la fin du monde, combattre les génies du crime, sauver une cause perdue…
La particularité de “Terreurs Nocturnes” réside dans le fait que Batman reste seul, si bien dans ses combats que dans ses choix psychologiques. Et la difficulté n’en sera que plus grande, du départ de Flash à l’intervention de Superman, il est bon de noter la citation de Wonder Woman : “Il faut les ramener. Pour l’instant tu es tout seul”.
C’est à ce moment que le réel défi de Bruce Wayne prend départ.
Du combat contre les évadés d’Arkham jusqu’à l’affrontement avec Bane, Batman devra montrer force et détermination face à chaque choix et défi imposé par ses ennemis. Nous pouvons voir ici un véritable retour aux racines : seul face au Crime.
Ce retour aux origines ira de pair avec les traits primaux de Bruce Wayne : féroce, violent, sombre et surtout justicier. (Comme on l’aime !)
La seule aide que trouvera Batman est une illusion, un fantôme insaisissable nommé Lapin Blanc. Guide ou ennemi, rêve ou réalité ? La question restera ouverte jusqu’à la dernière page du livre.
Celle qui se pose tout au long de l’histoire repose sur l’importance de ce personnage. D’une première lecture, j’ai trouvé le Lapin Blanc de faible utilité, ne comprenant pas l’image à laquelle elle renvoie.
En premier lieu, le Lapin Blanc va s’avérer être une aide pour le Chevalier Noir, s’inscrivant dans une course effrénée, chaque voyage mènera au défi ; dans un premier temps face au Joker/Gueule D’argile, sur lequel vient se lover le Lapin Blanc pour mieux admirer le combat féroce entre les deux personnages, la seconde fois sera aux cotés de l’Epouvantail, et enfin finir par le duel final de Bane et Batman. Nous pouvons donc emmètre une supposition : Est que “Terreurs Nocturne” est-elle une forme détournée “d’Alice aux pays des merveilles” ?
Car, nous pouvons voir que Bruce amorce une véritable plongé au fond du tunnel :
- Son ouverture : l’évasion des prisonniers d’Arkham
- Son cheminement : l’Epouvantail
- son aboutissement : le duel contre Bane
De plus, la question du rêve ou réalité donne une dimension bucolique et délirante à l’exploration de l’enquête du héros.
Enfin, détail supplémentaire, nous pouvons remarquer que l’aventure se déroule majoritairement de nuit, jusqu’aux dernières pages, à l’issue de l’affrontement avec Bane. Les trois héros sont alors ensemble, victorieux et unis autant qu’avant, c’est à ce moment précis que le jour se lève.
Combat(s) de titans
Voici l’atout le plus mis en avant par Jenkins et Finch au sein de “Terreurs Nocturnes” : le spectaculaire.
Le livre entier en est imprégné, des couleurs vives, des explosions, de la violence, des combats titanesques. Et dans ce chaos règnent les différents personnages glorifiés au rang de titans.
Tout commence avec le duel contre Double Face, nous ne reviendrons pas ici sur le déroulement du combat qui se conclut par une issue… impromptue, mais par la violence dégagée par les coups donnés par Harvey Dent au Chevalier noir.
Ces derniers ne sont que manifestation de force, de cruauté et de violence avec un seul objectif : détruire Batman.
Et cela prévaut également pour l’affrontement contre Gueule d’Argile. D’une violence féroce sous les traits du Joker, sa première apparition suscite la peur, devant tant de puissance et de folie, nous aurions pu penser que l’ennemi juré de Batman aller enfin dominer sa nemesis par simple violence.
Une fois encore, ces deux combats se concluront d’une manière inattendue, tant que par l’issue que par la phrase concluante de la scène : “Tu me plais”.
Vient par la suite un duel d’une toute autre nature, un duel dans lequel Batman sera sur le bord de perdre sa raison ainsi que sa vie. Le vilain en question peu se résumer en une seule citation “La vérité absolue est la peur”, vous l’aurez compris, il s’agit de l’Epouvantail/Jonathan Crane.
Toujours à l’aide de ses poudres hallucinogènes, il va alors combattre le Chevalier de la manière la plus violente qui soit. En effet, le héros va halluciner à un tel point qu’il est au bord de sombrer dans une démence infinie et peuplée des plus grands dangers rencontrés.
À noter, cette thématique sera reprise lors du second tome de Grant Morrison présente Batman (tome 2) avec le personnage de Zur En Arrh, avec un schéma encore plus complexe. L’Epouvantail exercera sa perversité à l’extrême en réduisant Batman à l’état d’une proie fuyant son prédateur.
Bien heureusement, un second Titan entre en scène…
Une image effrayante qu’est celle de Superman rentrant dans cette cabane lugubre. Yeux rougeoyants, air féroce et divin, l’Ange de Metropolis suscite alors la crainte dès sa première apparition.
Et c’est pourtant en sauveur que Superman vient rejoindre un Batman drogué et délirant. C’est alors un combat titanesque qui s’engage sous les éclairs féroces de la nuit.
Batman, délirant, empli de folie et de haine va vouloir à son tour détruire le Kryptonien. Mais rappelons qu’un humain ne peut rivaliser avec un dieu.
C’est alors d’un seul geste que Superman va terrasser Batman, d’une violence sans pareil, celui-ci mettra fin à l’affrontement et poussera Batman au bout de sa condition, cette fois-ci physique.
Evénement unique dans le Batverse, ce combat primitif va affecter Superman sur sa suprématie destructrice.
Et c’est sur la folie destructrice que nous allons conclure cet épisode sur la violence employée dans le premier tome. Nous avons toujours vu le Joker comme alter/égo et nemesis de Batman.
Cela reste, bien sûr, indétrônable, mais si nous pouvions placer un second vilain aux cotés du Prince du Crime, cela serait Bane.
En aucun cas ce dernier ne ressemble au Chevalier Noir sur le plan psychologique, mais, il reste la seule personne ayant réussi à briser la Chauve Souris.
C’est donc un épisode présentant nombre de similarités avec leur tout premier combat ; force, rage et surtout point critique pour Batman.
Une fois de plus, les thèmes principaux de cet affrontement restent la peur et la violence. Phrase choc de Bane : “Ta peur m’appartient”, car, c’est une vérité, bien que Bruce Wayne ait réussi à surmonter son handicap et le choc de ce combat, il n’en reste pas moins que Bane constitue à lui seul la peur de l’échec et la fin du héros.
Note cependant heureuse, le surpassement de Batman sur Bruce Wayne se résumera en une seule phrase : “Je vois que tu as peur de moi”.
En devenant objet de peur, Batman surpasse ses ennemis alors incapable d’endosser le rôle de justicier intègre et de monstre féroce.
Long d’une trentaine de pages et de dessins explosifs, le combat Batman/Bane conclut le récit d’une manière impactant avec une morale cependant originale : La peur se combat en équipe et pas seul.
Bane en subira alors les dommages lors de sa chute suite à une haine qui l’aura trop consumée.
Quelques incohérences…
Afin de terminer cet article, j’établirai une liste qui fera la différence entre fans de scénarios, amateurs de dessins, ou fins connaisseurs du Chevalier Noir.
Cette liste de points va regrouper les faits qui pourraient décevoir un fan inconditionnel et qui ont fait un effet relatif chez les non-amateurs des trois tomes du Chevalier Noir.
- L’absence de Joker : C’est tout d’abord ce qui m’a troublé en premier lieu. En effet, nous avons pu voir dès les premières pages les vilains de la plus grande renommée d’Arkham Asylum sous une forme monstrueuse, mais graphiquement élaborée. Il aurait été plaisant de voir le clown prince du crime sous une forme sur-gonflée à la haine et à la testostérone tant d’un point de vu graphique que d’un point de vue scénaristique. La folie d’un tel personnage aurait pu, je pense, rajouter une dimension encore plus folle et cauchemardesque à l’enquête de Batman. D’un point de vue personnel, je pense que ce choix délibéré à été fait afin de ne pas créer un déséquilibre entre Bane et le Joker, deux vilains d’une grande stature.
- Le petit rôle de l’inspecteur Gordon : N’ayant le droit qu’à quelques pages, le lieutenant Gordon me paraît être la plus grande déception du livre. Car, à chaque apparition, nous pouvons nous attendre au départ d’une intrigue plus profonde, espoir qui retombe bien vite au final. À la fois désespéré, émouvant, et plein d’espoir Jim Gordon aurait pu être un allié de taille au sein de cette histoire et de plus un personnage riche tant sur la palette des sentiments qu’il présente, que sur ses craintes ou l’aide nécessaire aux actions de Batman.
- Le rôle d’Alfred : Il en va de même pour Alfred. Ayant toujours eu un rôle de soutien de Bruce Wayne lors de graves crises, le rôle du majordome est quasi inexistant, les seules pages où il apparaît sont résumés à un rôle de majordome lambda sans particularités. Je pense également qu’il aurait été mieux d’utiliser Alfred comme un soutien supplémentaire face à la menace grandissante que sont Bane et l’Epouvantail, deux des plus dangereux ennemis du Batman.
- Le manque de profondeur du scénario : Enfin, le reproche principal fait à cet ouvrage est son manque de profondeur. Partagé par la plupart des lecteurs, je tenais à défendre tout de même la richesse de l’histoire aux travers des théories et des métaphores. Certes, “Terreurs nocturnes” ne peut être comparé à des œuvres telles qu’Un Long Halloween, la série Knightfall, ou encore Amère Victoire mais ce dernier présente de nombreuses allégories savamment placées tout au long du scénario : référence à Alice aux Pays des Merveilles, la thématique de la peur et de la violence, celle du Réel ou de l’Irréel ou encore l’échec face à une vague de Crime. Mais, le dessin prévaudra largement sur sa qualité scénaristique grâce au travail de David Finch. Couleurs, dynamisme, détails, de nombreux facteurs qui font que ce premier tome reste un livre plus qu’agréable à découvrir pour les néophytes ou encore pour changer de style de scénarios pour les Bat-addicts.
Nous avons donc exploré ici la thématique de la Peur soulevée dans une enquête qui peut paraître commune pour le Justicier. Mais, comme je l’ai dit précédemment, la saga Chevalier Noir explore le cheminement de la folie des criminels de Gotham. Je vous invite donc à découvrir très bientôt la review de la seconde partie de la trilogie “Cycle de Violence”.
Jokerement votre,
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