Les Batman au cinéma – Partie 2 : Les années 1980 à 1990
Publié le 08 juin 2018 par GuessWho
Après un premier article retraçant les débuts de Batman au cinéma, nous poursuivons notre analyse historique des différents interprètes de Batman au cinéma avec l’avènement d’un nouvel acteur dans le costume du justicier masqué à partir de 1989, Michael Keaton.
Michael Keaton : un choix contesté
Vingt ans après la série et le film porté par Adam West, l’intérêt d’une adaptation cinématographique du Chevalier noir refait surface. Ce sont les comics de Frank Miller et Alan Moore (The Dark Knight Returns et The Killing Joke) qui donnent envie à la Warner Bros de produire un film plus sombre et sérieux sur le justicier masqué. Tim Burton s’associe au scénariste Sam Hamm pour présenter une version plus sombre, plus extrême et plus agressive de Batman. Toutefois, la Warner n’est pas convaincue par son choix d’acteur pour le rôle de Batman. Le cinéaste décide, en effet, de confier la lourde tâche d’enfiler le costume du vengeur masqué à Michael Keaton. Cet acteur américain est né le 5 septembre 1951 à Coraopolis en Pennsylvanie. Mais les producteurs considèrent que trop de rôles comiques lui collent à la peau, en particulier Beetlejuice.
Un scepticisme sans borne accompagne sa nomination dans le rôle du super-héros. Cette nouvelle si médiatique fait la Une du Wall Street Journal. D’ailleurs, le quotidien national américain ne se gène pas pour remuer le couteau dans la plaie en affirmant qu’il s’agit d’un choix complètement ridicule. Environ 50 000 lettres de protestation sont envoyées à la production. Les puristes voient en Keaton un futur Batman débile et artificiel. La Warner fait alors le nécessaire pour convaincre le réalisateur de confier le rôle à un autre acteur, en vain ! Tim Burton, appuyé par le soutien de son ami Vincent Price, obtient gain de cause. Il voit quelque chose de particulier chez son acteur principal. Il ne ressemble pas à un super-héros, il ressemble à un homme qui a besoin d’un déguisement pour faire de l’effet. C’est ce qu’il recherche pour sa vision du Chevalier noir ; quelqu’un de sombre et torturé venant de l’ombre pour arrêter les criminels.
Michael Keaton cerne très rapidement le côté traumatisé et névrosé de Bruce Wayne, cet homme que l’on imagine sortir en pleine nuit avec son costume pour aller combattre la criminalité. Burton veut faire de Batman un personnage déterminé, passionné et sérieux. Son souhait est de revenir aux racines artistiques et élégantes du super-héros. Il veut mettre en application l’idée originale de Bob Kane, et effacer tous les détours que le personnage a pris depuis des années. Selon Tim Burton, la polémique entourant la promotion de Michael Keaton dans le rôle du Chevalier noir s’explique par le fait que les gens se posent trop souvent la mauvaise question. D’après lui, l’important n’est pas de savoir qui joue Batman, mais qui joue Bruce Wayne : « Ce qui m’intéressait, ce n’était pas d’explorer les aspects conventionnels d’une bande-dessinée, mais d’essayer d’en tirer un peu plus dans le film. J’ai essayé de jongler avec plusieurs tons : drame, humour, absurde. Et très peu d’acteurs, à mon avis, peuvent faire tout cela à la fois, mais Michael, certainement ! »
Un Batman névrosé
Contrairement à Adam West à la fin des années 1960, Michael Keaton interprète un Bruce Wayne qui ne s’est jamais remis du chagrin de l’assassinat de ses parents. Le célèbre réalisateur s’accorde quelques libertés par rapport à l’histoire d’origine. Ainsi, il décide que le Némésis de Batman, le Joker, sera Jack Napier, l’assassin des parents de Bruce Wayne, et le créateur indirect du croisé à la cape. Dans l’œuvre cinématographique de Burton, il apparaît donc comme un homme solitaire, désenchanté et triste, obsédé par la résolution du problème du mal. Cette obsession fait de lui un personnage un peu fou et la manifestation de cette folie s’appelle Batman. Bruce Wayne n’est pas fasciné par sa vie d’homme d’affaires. Celle-ci est trop monotone à son goût. Il devient lui-même à partir du moment où il enfile son costume de super-héros pour vaincre les criminels de Gotham City. Sa vie prend alors un véritable sens.
Mais pendant l’écriture du script, le scénariste du film, Sam Hamm, propose à Tim Burton que Bruce Wayne rencontre une femme afin de retrouver la raison ; Vicki Vale. Ce personnage féminin est créé par Bob Kane et Bill Finger en 1948. Il apparaît pour la première fois dans le numéro 49 de Batman. Le personnage de Vicki Vale avait connu une première adaptation live à la fin des années 1940. La journaliste aidait Batman et Robin dans la suite du serial éponyme. Elle fut interprétée par l’américaine Jane Adams (1918-2014). Grâce à Vicki Vale, le millionnaire réalise soudain qu’il peut vivre une vie normale, et qu’elle va dans le sens opposé de la voie qu’il s’est choisi. Elle représente la femme idéale car elle a du cran, de la fougue et de la détermination. C’est la lumière qui éclaire son univers sombre. Dans Batman, elle est jouée par l’actrice américaine Kim Basinger.
Tim Burton et Michael Keaton rempilent
Trois ans plus tard, Tim Burton réalise Batman Returns (Batman Le Défi en VF). Depuis le succès du précédent film, la côte de popularité de Michael Keaton a incroyablement augmenté. Il est très heureux de pouvoir rejouer ce personnage héroïque si légendaire. C’est un super-héros très étrange, car il préfère rester dans l’ombre. Sur le plateau, l’un des deux scénaristes du film, Daniel Waters, se souvient que l’acteur était le seul à changer certaines répliques de son personnage. Il avait une idée précise de ce qu’il devait dire ou faire, et il avait souvent raison : « Michael voulait rendre le personnage plus sombre, et nous étions d’accord. Beaucoup se sont plaints du fait que Batman tuait des gens dans le film. Certains puristes disaient qu’il ne tuerait personne, mais je répondais qu’on ne vivait pas à une époque où on déposait les criminels dans un filet devant l’hôtel de ville (référence à Spider-Man). Les temps sont plus durs, donc, le personnage doit être plus sombre. »
L’interprète du Chevalier noir a accepté de tourner dans la suite, car il était intéressé par l’idée d’approfondir la personnalité distante et torturée de son personnage. Mais il va apprendre à ses dépends que le contrôle de certaines situations peut rapidement lui échapper : « Sous de nombreux rapports, ce tournage a été plus dur, car le grand défi auquel je pensais avant de commencer, c’était la difficulté de jouer deux fois le même personnage. Après deux ou trois jours de tournage, je me suis retrouvé à faire une sorte d’imitation de moi-même, ce qui était, d’abord, impossible, et ensuite, très étrange. Alors, j’ai laissé tomber et je me suis dit que je devais rester naturel comme si je jouais le personnage pour la première fois. J’ai simplement pris les meilleurs aspects de sa personnalité pour les rendre encore plus riches. »
Au début de Batman Returns, la ville est étrangement calme depuis que le sombre vengeur de la nuit a mis fin au règne de terreur du Joker. Cependant, d’étranges créatures font leur apparition dans la métropole, le Pingouin et Catwoman. Dans un sens, le film propose deux personnages avec des passés très similaires. Bruce Wayne et Oswald Cobblepot (le Pingouin) sont issus d’une famille riche, ils se battent pour la ville. Batman se déguise en méchant pour lutter contre le crime, et le Pingouin, qui a vraiment une tête de méchant, s’habille de façon respectable pour charmer la ville et devenir maire, afin de contrôler Gotham City. L’un est marqué par le sort de ses parents et l’autre est marqué par ses parents. Par ailleurs, Bruce Wayne se retrouve dans Selina Kyle et sur certains points, ils se confondent presque l’un et l’autre. Ils sont discrets dans la vie, mais ils ont tous les deux besoins d’un alter-ego pour assouvir leur soif de vengeance, une fois la nuit tombée. Ils n’ont simplement pas la même conception de la justice.
Un changement nécessaire
Le duo Burton–Keaton devait rempiler pour une troisième aventure cinématographique intitulée Batman Continues, mais la Warner va très rapidement faire comprendre au réalisateur, qu’en dépit du succès des deux premiers, elle ne souhaite pas donner raison à la maxime « jamais deux sans trois ». Après la polémique du second volet nourrie par les associations parentales, elle décide que le prochain « Batman » sera un divertissement familial. La vision sombre et lugubre de Tim Burton ne s’accordant pas avec la conception du futur projet de la Warner, celui-ci accepte de céder son poste de metteur en scène. Michael Keaton, quant à lui, raccroche la cape du célèbre justicier. Il aura du mal à se remettre de cette composition mythique. Il devra attendre l’année 2015 pour réapparaître sur le devant de la scène, en interprétant Riggan Thomson, un acteur quinquagénaire, qui tente de relancer sa carrière par un détour vers Broadway. Ce film s’intitule Birdman et raconte l’histoire de cet acteur jadis de premier plan, qui a connu la gloire en interprétant le super-héros Birdman. Il s’agit d’une mise en abyme de la propre vie de Michael Keaton, qui a également vécu ses heures de gloire dans le rôle de Batman. C’est un des principes du « métafilm », formule très prisée depuis le succès de Dans la Peau de John Malkovich de Spike Jonze, en 1999. Grâce au succès de ce film, Michael Keaton interprètera un super-vilain de Spider-Man (le vautour) pour le Marvel Cinematic Universe dans Spider-Man Homecoming (2017).
Découvrez la suite de notre chronique avec les films Batman de Joël Schumacher qui ont marqué les années 90…
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