Hommage à Tim Sale : nos bat-planches préférées
Publié le 28 juin 2022 par Nico
La nécrologie comics ne cesse de s’étendre, particulièrement douloureuse pour les fans de Batman qui voient disparaître des figures tutélaires comme des auteurs marquants et encore actifs. La mort de Tim Sale avait ainsi de quoi affecter particulièrement, du fait de sa relative jeunesse (66 ans) et de l’influence absolument majeure qu’il a exercée sur toutes les représentations du Chevalier noir – et pas seulement.
En effet, malgré plusieurs superbes travaux pour Marvel ou sur Superman, et même des collaborations remarquées sur la série Heroes ou pour les comics The Matrix, presque systématiquement en tandem avec le scénariste Jeph Loeb, Tim Sale est resté particulièrement attaché à Batman, au point d’avoir annoncé il y a quelques années deux nouveaux comics sur le chevalier noir qu’il n’aura donc jamais pu concrétiser.
Actif depuis le tout début des années 1990, il aura également marqué par une production singulièrement peu nombreuse – une quinzaine d’histoires à peine, en excluant les histoires courtes et les couvertures. Pourtant, son esthétique (et sa poésie) était tellement distincte de la mode s’installant alors, moins consensuelle mais peut-être plus universelle, qu’ils lui ont immédiatement valu une renommée immense, et que chacun de ses comics pratiquement appartient aux indispensables, à ceux que l’on recommande à tous les néophytes et que chérissent tous les experts, à ceux que les réalisateurs de films sur Batman doivent citer comme influences pour s’assurer de séduire les fans.
Pour lui rendre un petit hommage, la rédaction de Batman Legend a choisi une planche à mettre en avant pour présenter notre rapport à cet immense artiste.
La planche d’Aliénor Drake : « Messieurs »
Cette planche, et surtout cette case, m’a marquée dès la première fois que je l’ai vue. La symétrie de l’apparition du Batman, la majesté du personnage, la terreur qu’il peut inspirer, enveloppé dans sa cape, l’encrage parfait, la suggestion de la surprise qu’il engendre par les mains de Gordon et Dent… Tout y est pour résumer le Batman de Tim Sale. Un héros qui ne doute pas de lui-même, qui en impose, qui sait se faire respecter par sa simple présence.
La planche de Bruno (Andresy) : « La couverture d’Amère Victoire »
Le choix n’est pas original, j’en conviens. A titre personnel, cependant, la couverture d’Amère Victoire représente quelque chose d’important à mes yeux. Si le “Long Halloween” et “Amère Victoire” n’ont pas été les premiers Batman que j’ai lus, il s’agit du cadeau que ma fait ma femme peu avant que je rencontre la Team Batman Legend et par ailleurs, les deux ouvrages avec lesquels j’ai commencé ma “collection Urban“. Et je dois avouer que la couverture de “Dark Victory” (en VO) me paraît plus intensément refléter ma vision du Dark Knight que celle du Long Halloween. En bichromie intégrale (rouge et noire avec une exception pour le yeux blancs), c’est une planche à étudier dans toutes les écoles de dessin et d’art plastique tant le relief, la profondeur et le drapé du costume y sont mis en valeur. Elle rappelle le concept graphique du Dark Knight de Miller (qui préférait évidement le noir et blanc) et je me prends à souligner que l’affiche et la charte visuelle du récent “The Batman” reprend ce concept et ce chromatisme. Hommage donc à mon sens appuyé à Tim Sale qui savait si bien alterner les planches pleine page et les découpages plus classique. Son trait caractéristique collait si bien à la plume de Jeph Loeb et l’ambiance policière qui en irradiait reste un référence de mon point de vue. Après Neal Adams, Tim Sale s’en allé le 16 juin 2022. Amère Journée.
La planche de Siegfried : « Legends of the Dark Knight »
Tim Sale a réalisé tant de planches magnifiques qu’en choisir une qui serait meilleure que les autres, ou au moins plus emblématique, est tout bonnement impossible. Plutôt que de montrer une par une chaque planche d’Un Long Halloween ou Amère Victoire, j’ai pensé que vous présenter sa deuxième collaboration avec Loeb et son premier travail sur Batman, dans le Halloween Special #1 de la série anthologique (et souvent remarquable) Legends of the Dark Knight, fin 1993.
Que l’un des artistes du Grendel de Matt Wagner, et seul illustrateur de Billi 99, s’intéresse au Batman gothique paraît assez logique, mais par-delà la logique, l’alchimie entre son trait, les idées de Loeb et l’univers du chevalier noir frappe d’emblée par son évidence, fait sentir un amour du personnage qui ne demande qu’à s’épancher à nouveau.
Ce qui me frappe ici, c’est qu’à l’époque de Jim Lee, Sale livre une planche qui aurait sa place dans un « beau livre » pour enfants, une splash page stylisée, bien plus onirique que réaliste, tant dans les faits qu’elle dépeint que dans son ambiance. Pourtant, il ne s’agit pas d’un rêve ou d’une vision, Batman poursuit bien l’Épouvantail dans les rouages d’une horloge gigantesque, mais le baroquisme évident desdits rouages, qui n’ont aucune logique mécanique, dont la taille est ridicule et dont il est absurde de croire que l’on pourrait courir dessus, frappe efficacement l’imagination.
D’autant que, deux planches plus tôt, une autre image similaire ne montrait que l’Épouvantail, en aplat de noir, circulant horizontalement parmi des rouages à la dentition menaçante. Cette nouvelle planche renverse la perspective : ce qui était menaçant est exploité par Batman – de même que dans l’histoire il surmonte ses propres peurs – pour menacer à son tour son ennemi en fondant sur lui. On notera que Batman a bien les pieds sur une dent d’ailleurs, quand l’Épouvantail est pris en plein vol, accroissant la peur qu’il peut ressentir – Batman derrière lui, des dents et le vide en dessous : il a perdu sa maîtrise de l’espace horrifique, littéralement et figurativement, comme il perd son espèce de supériorité par le langage, manifestée par l’abscondité de ses comptines, en clamant ce banal, mignon et pathétique « Maman ».
Cette planche a priori un peu quelconque dans l’œuvre si marquant de Sale me plaît donc par l’ingéniosité de sa composition et un irréalisme assumé, qui mélange les grosses machines de Finger à un trait plus Mazzucchellien et néanmoins assez « enfantin » dans ses formes (jusqu’au masque et au chapeau cornu de l’Épouvantail ou à la cape de Batman) pour une synthèse originale qui fonctionne presque miraculeusement, et dont se souviendront sans doute Moench et Jones notamment.
La planche de Nico : « The Long Halloween #13 »
Si le Batman de Tim Sale est extraordinaire, on oublie trop souvent sa représentation des super-vilains !
Une planche est très révélatrice de la façon dont les traits gothiques de Tim Sale peuvent s’accorder avec l’univers du Chevalier noir. L’apparition des vilains de Gotham dans le 13ème numéro et dernier chapitre de Un Long Halloween. Représentant le Joker, Solomon Grundy, le Chapelier fou, Catwoman, Poison Ivy, le Pingouin et l’Epouvantail aux côtés de Double-Face, cette planche est absolument extraordinaire ! L’artiste donne une dimension athlétique incroyable à Catwoman, qui contraste avec les traits fins et féminins de Poison Ivy. Que dire de son Joker et de son Epouvantail qui sont absolument terrifiants…
Une planche très sombre qui colle parfaitement à l’ambiance de Gotham et qui explique peut-être à elle seule pourquoi l’artiste a réussi à toucher autant le coeur des fans du Chevalier noir…
Et vous, quelle est votre planche préférée de Tim Sale, y compris en dehors de ses comics Batman ? 🙂
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