Moments cultes de Batman #2 : Maintenant, “ils” savent ce qui vit ici, à Gotham

Publié le 28 décembre 2017 par

Deuxième épisode pour nos moments cultes… Une rencontre de titans. Un cross-over de légende. L’affrontement entre Batman et Predator dans la jungle urbaine de Gotham. Un comics en trois volumes paru en 1991 qui m’a à l’époque laissé sans voix. Plus de 25 ans plus tard, l’ouvrage fait encore et toujours office de référence dans le genre. Et certaines planches iconiques des frères Kubert continuent pour longtemps à illustrer la violence animale de ce combat hors-normes.

Rencontres du troisième type

Fin de années 70. Les deux maisons mères et rivales DC et Marvel sont confrontées à un problème majeur : les super-héros, dont la plupart datent de plus de 30 ans, commencent à vieillir et à lasser un peu. La notion de “reboot” n’est pas encore d’actualité mais Marvel commence à jouer avec le concept de réalités alternatives pour présenter d’autres versions ou d’autres univers de ses personnages. De part et d’autre, il faut remobiliser le lectorat et attirer de plus jeunes lecteurs. L’idée commune des deux éditeurs sera surprenante et matérialisera, pour ainsi dire, le fantasme de nombreux fans : croiser les univers DC et Marvel, faire se rencontrer les personnages. Le cross-over venait de voir le jour. Pour le meilleur et pour le pire.

L’important dans un ouvrage (illustré ou pas), c’est de raconter une histoire. Et si possible, pas une histoire qui a déjà été déclinée à maintes reprises. Et c’est bien le problème des cross-overs : ils sont – à peu près – tous basés sur le même principe : on fait se rencontrer deux super-héros, on les fait s’affronter (un peu) puis on les fait combattre (ensemble) un ennemi commun, en général composé d’une paire de super-vilains issus de chacun des deux univers. Exemple typique et très fonctionnel : “Superman contre Spiderman” où les deux personnages vont se bagarrer un peu (Clarky a un coup de mou) avant de comprendre que l’ennemi, c’est le duo Lex Luthor / Doctor Octopuss. Voilà. Vous pouvez décliner la formule à l’envie. Ce qui a par ailleurs été largement fait. Au delà des deux univers précités. Et c’est ce sur quoi nous allons revenir aujourd’hui.

Certaines “rencontres” sont sympathiques. D’autres relèvent du fantasme conceptuel. On atteint des sommets du n’importe quoi dans “Batman vs Dracula”. Chauve-souris contre chauve-souris. Mais au fond, il n’y a pas d’histoire.

Et au début des années 90, la formule a largement été épuisée mais un scénariste a une idée géniale. Et pas n’importe quel scénariste : il s’agit de Dave Gibbons. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est normal : c’est lui qui a dessiné (et mis en couleur !) les cultissimes “Watchmen” sur le scénario dément d’Alan Moore. Eh oui : Gibbons est aussi un scénariste. Un très bon scénariste. Son idée est de faire s’affronter deux chasseurs. Deux prédateurs.  Un chasseur de criminels psychopathes et …. le chasseur absolu, introduit en 1987 par John McTiernan (qui réalisera, entre autres, la série des “Die Hard” : Le Predator.

La nuit du chasseur

L’idée est géniale pour plusieurs raisons.

Tout d’abord le scénario : deux chasseurs face-à-face. Et l’antagonisme est loin d’être évident. D’ailleurs, le Predator commence par dégommer des mafieux, des boxeurs véreux, des tueurs à la petite semaine. Il cherche un adversaire à sa mesure. Il est là pour ça. Que l’on soit rassuré : il va le trouver !

Batman : chasseur ou chassé ?
Batman : chasseur ou chassé ?

Ensuite, et il faut bien comprendre cet élément essentiel, le combat est équilibré. Le Predator, tout comme notre Batman, n’a aucun super-pouvoir. C’est, certes, une masse de muscles à la puissance brute impressionnante (demandez à Schwarzie), équipée d’un arsenal extra-terrestre high-tech, mais rien qui au fond puisse être insurmontable pour notre héros (qui en a vu d’autres). Et à l’inverse, le Predator n’affronte qu’un homme. Pas n’importe lequel, bien évidemment, mais juste un homme.

La deuxième grande réussite de la rencontre tient à la personnalité des deux protagonistes. Et là aussi, le parti pris est intéressant car comme toutes les œuvres consacrées au justicier masqué, celle-ci va explorer une facette particulière de Batman. Et cette facette peut être révélée justement parce que le combat est équilibré. Mortel contre mortel. Chasseur contre chasseur. La différence va se faire – au final – pour celui qui aura la plus grande volonté.

On a souvent souligné que Batman n’a aucun super-pouvoir. Ou plutôt, on a souvent tenté de considérer que son “vrai” super-pouvoir est qu’il est un homme riche, très riche (réplique usée jusqu’à la corde dans la bande-annonce de Justice League et dans le film, bien-sûr). De mon point de vue, c’est une erreur évidente (sinon, nombre de milliardaires seraient des super-héros). Je pense que le vrai pouvoir, la vraie force de Batman, c’est le puits sans fond de sa volonté hors du commun. Et c’est précisément cet aspect de sa personnalité qui va être ici mis en valeur. Un Batman, force brute de volonté et de courage. On laisse de côté le Dark Knight sacrificiel, le Bruce Wayne névrosé, le traumatisme d’une enfance assassinée. On a devant nous LE Batman, prêt à la baston et à la douleur. Et c’est peu-dire que le graphisme d’Adam et Andy Kubert va illustrer ce concept à merveille.

Et en face, c’est du même acabit : le Predator n’est pas un criminel sociopathe. Aucune volonté de détruire le monde, de réaliser un génocide ou d’empoisonner une ville entière. Il est là pour se battre et démontrer qui est le plus fort. Le mâle dominant sur la ville (ou la planète). La symbolique animale dans toute sa violence. La chasse est ouverte !

Il ne peut en rester qu’un

Je ne raconterai pas l’histoire en détails. L’intérêt réside dans la lecture, mais pour faire court, la trame est assez classique. Le héros va s’en manger une sévère (à la fin du premier round, Batman finit en morceaux et il faut souligner le rôle toujours crucial d’Alfred qui n’hésitera pas à prendre les armes lui-aussi pour prêter main-forte à son …maître/protégé). Et à la force de sa volonté (et ses talents d’ingénieur aussi), Bruce Wayne va se concevoir un costume renforcé, quasiment blindé (qui rappelle un peu celui dessiné par Franck Miller dans “The Dark Knight Returns” pour l’affrontement final contre Superman) et muni d’un système de camouflage qui rappelle celui du Predator lui-même.

Une violence animale pour un combat de Titans
Une violence animale pour un combat de Titans

Le combat, pardon, la chasse, rééquilibré(e) reprendra. Et la différence entre Batman et Predator apparaîtra dans l’issue de l’affrontement : l’extra-terrestre est là pour tuer. C’est sa règle, sa logique. Pas de pitié, pas de quartier. Un combat. Un survivant. Mais quand on affronte le plus fort des hommes, il faut s’attendre à croiser aussi le meilleur de l’humanité. Batman va gagner le combat. Mais il va faire mieux que cela. Il va capturer le Predator blessé. Et ce faisant, il va lui imposer ses propres règles. Victoire totale : Batman est dans sa ville, sur son territoire. Et en maître de Gotham, il impose ses règles. Et sa règle numéro un, c’est de ne pas tuer.

Mais Batman lui-même ne peut contrôler ce qu’il ne maîtrise pas : les autres Predator vont venir pour constater l’issue du combat. Et selon leurs règles, le perdant doit mourir. Le Predator vaincu, qui a failli à son rôle, sera donc achevé par ses pairs, devant Batman d’un coup de sabre extra-terrestre. Lequel sabre sera offert en guise de trophée et de respect au Chevalier Noir. Evidemment, cette scène a inspiré la fin de “Alien vs Predator”.

Devant l’inquiétude d’Alfred de voir un jour cette menace revenir, Batman aura donc cette réplique : “Ils ne reviendront pas. Maintenant, ils savent ce qui vit ici, à Gotham“. L’allégorie du territoire. La symbolique animale renforcée par la case suivante, où une chauve-souris vole toutes dents dehors, devant une Lune brillante. Prête à mordre à nouveau, si le besoin s’en referait sentir un jour futur. Ou une nuit….


Pour information, il y a eu deux suites à ce crossover. À juste titre considérées comme médiocres (surfant sur le succès du premier), on n’y retrouve ni la plume de Gibbons, ni la patte graphique des frères Kubert. Il faut d’ailleurs souligner le style des deux dessinateurs qui ont savamment rendu certaines cases quasiment illisibles pour souligner la menace camouflée du Predator et le côté jungle urbaine de Gotham, en référence au film de McTiernan où l’extra-terrestre passe les deux-tiers du film invisible dans les arbres.

Mais il y eu bien pire. Dans une surenchère inutile et complètement ratée, il y eu une espèce d’OVNI dans le monde des comics : Superman & Batman vs Aliens & Predator. Il ne manquait que Freddy et Jason ! Le graphisme était très discutable et le scénario devait tenir sur un post-it. À fuir !

À noter, et je finirai par cela : Batman vs Predator a inspiré ce qui reste un des meilleurs court-métrage de fan-fiction : Batman : Dead End écrit et réalisé par Sandy Collora en 2003. On y retrouve aussi le personnage d’Alien. Pour le meilleur cette fois.

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Votre bat auteur

Bruno, grand fan du Dark Knight depuis plus de 30 ans. Inconditionnel de Franck Miller, Grant Morrison & Tim Burton... Je m'attache à raconter "mes" moments cultes de ce personnage unique au travers de scènes inoubliables, de comics de légendes, de musiques cultes.

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