Review de Batman : White knight
Publié le 30 octobre 2018 par Aliénor Drake
Ce nouvel “elseworld” a rencontré un immense succès aux États-Unis, au point qu’il est régulièrement en rupture de stock. Sa sortie en France était attendue comme le messie, tous les libraires ne font qu’en parler, d’autant plus que c’est le 1er comics publié en France sous le black label. Cet ouvrage mérite-t-il les éloges et l’attente reçus ?
Synopsis
Dans un monde où Batman est allé trop loin, le Joker doit sauver Gotham ! Le joker, ce maniaque, ce tueur, celui que l’on surnomme Le Clown Prince du crime…Si Batman, le Chevalier noir, sombre du côté obscur, pourquoi le Joker ne pourrait-il pas sortir de sa psychose et devenir le Chevalier blanc ? C’est ce qui arrive après qu’un traitement inédit a guéri le Joker et le fait redevenir Jack Napier : un nouveau candidat à la mairie de Gotham !
- Scénario : Sean Murphy
- Dessins : Sean Murphy, Matt Hollingsworth (couleurs)
- Publié le : 26 octobre 2018
- Nombre de pages : 240 pages
- Prix : 22.50 €
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Il fallait le faire
Oui, je n’ai rien d’autre que ce titre à mettre, mais c’est tout simplement la 1ère idée que l’on se dit en ayant fini l’ouvrage. Certes, l’idée a été sans cesse ressassée, et il est de notoriété publique, dans notre monde réel comme dans celui de Batman, que ce dernier n’est pas un tendre et qu’il use de méthodes plutôt douteuses (c’est un euphémisme) quand il s’agit de “protéger” Gotham. Cette thématique est souvent sous-entendue, mas rarement explorée en profondeur (mis à part dans un récent Detective Comics) Elle est vite évacuée, abordée comme un simple fait auquel on ne peut pas faire grand chose. Et c’est bien normal, puisque sinon, il n’y aurait plus de Batman. Le seul à l’avoir fait avec sérieux est Frank Miller, mais son Batman était alors vieux et sentait la fin. C’est bien pour cela que seuls les “elseworlds” peuvent se le permettre, comme Injustice ou Des cris dans la nuit, encore trop peu connu et qui est un chef-d’œuvre que je vous conseille vivement de lire.
Donc, il fallait le faire, même si l’idée d’un Batman borderline que la police veut coffrer est dans l’esprit de chacun. Car le pari qu’a réussi Sean Murphy, ici, est multiple. Premièrement, celui d’avoir complètement renversé la situation. Batman n’est pas simplement remis en cause. Le Joker est devenu le gentil, il gagne le crédit de la population (qui, on le sait bien, oublie bien vite le passé) et de la police, et arrive à faire mettre Batman en prison. Deuxièmement, son récit est superbement écrit, très bien amené et parfaitement crédible. Le Joker est un homme bon ? Comment croire ça ? En le lisant. Tout coule de source, les dialogues et monologues de très haut niveau, l’action prend le relais aux moments de calme, d’introspection et de dialogues exactement comme il le faut, ce qui nous donne un récit bien rythmé où tout s’enchaîne comme sur des roulettes. Et c’est le cas de le dire, étant donné le nombre imposant de bat-mobiles et autres engins roulants qui offrent des scènes cinématographiques hallucinantes. En parlant d’action, le dessin et la colorisation (réalisée par Matt Hollingsworth) sont absolument remarquables et nous offrent des planches à faire baver nos beaux yeux. On voit que Sean Murphy s’est fait plaisir et qu’il maîtrise totalement le dessin d’action. Sans compter son coup de crayon bien particulier, qui rend son style inoubliable et singulier.
Même certains éléments osés de l’intrigue sont crédibles, comme par exemple l’idée que Thomas Wayne ait fricoté avec les nazis. Tout simplement parce qu’au fond, et c’est là la grand force du récit, cette histoire nous montre que personne n’est pur et parfait, et que chacun, pour parvenir à ses fins, doit faire des choix plus ou moins douteux, parfois bien intentionnés. Troisièmement, là où l’expression “il fallait le faire” prend tout son sens, c’est quand Sean Murphy prend au pied de la lettre tout (ou presque) ce qu’on se dit à propos de Batman et de certaines de ses incohérences. Dont la fameuse remarque : avec tout son argent, Bruce Wayne pourrait combattre le crime d’une manière différente qu’en étant Batman… Pour plusieurs cas comme celui-ci, on y a tous pensé, mais Sean Murphy l’a fait. C’est l’audace du scénariste, et la liberté permise par l’elseworld.
Un récit à réflexion politique
Batman : White Knight est une histoire qui pose ouvertement des questions politiques, sans pour autant être révolutionnaire à ce sujet comme a pu l’être The Dark Knight Returns de Frank Miller. Loin d’être visionnaire, il s’insère pourtant dans l’actualité des débats politiques en occident. Entre un Jack Napier (alias le Joker guéri) qui représente les “gauchistes” (propos tenu par un journaliste dans le comics), soutenant les quartiers défavorisés et utilisant les techniques du populisme pour gagner Gotham, et un Batman brutal, soutenu semble-t-il par ce qu’on peut deviner être une droite oppressive, Sean Murphy veut surtout montrer, ici, que rien n’est tout noir ou tout blanc dans les débats actuels. La corruption, la manipulation des populations, l’utilisation du droit, des lois et de la violence sont ici traités avec intelligence et sans manichéisme, ce que j’admire. On regrette peut-être presque que l’auteur n’ait pas osé plus de hardiesse à la manière de Miller… Mais sans doute est-ce impossible, dans le contexte actuel, pour DC comics de publier de véritables révolutions en la matière.
Un hommage au Chevalier Noir
Enfin, l’un des plus grands plaisirs que j’ai eu à la lecture de ce comics, fut provoqué par tout l’hommage au Chevalier Noir et à son univers.
Hommage aux personnages, d’abord. On commence par Alfred, qui reçoit ici un traitement plus qu’émouvant et qui est, pour ainsi dire, un des piliers toujours discret du récit. Batman : White Knight lui rend un bouleversant hommage. Mais aussi Harley Quinn, magnifiquement mise en valeur, je ne vous en parlerai pas plus au risque de spoiler. Jim Gordon est bien badass, abordé avec respect par Sean Murphy. Le seul aspect que je regrette dans les personnages traités est Dick Grayson. L’idée d’en faire le 2ème Robin à la suite d’un Jason disparu, jaloux de l’amour qui attachait Batman et le 1er Robin, ne rend pas du tout hommage à Nightwing. On peut même penser que Sean Murphy se moque de lui et souhaite le rabaisser sous cet aspect : n’est-ce pas lui qui est tout le temps qualifié de “fils” préféré de Batman dans toute histoire du chevalier noir ? Sans doute ce renversement de situation est un moyen pour le scénariste de s’amuser avec les différents Robin et la place qu’ils ont eu dans le cœur et l’histoire de Batman.
Hommage aux histoires de Batman, ensuite. Les clins-d’œil graphiques et scénaristiques à différentes histoires de Batman et à ses nombreuses réappropriations cinématographiques sont multiples et très amusantes à retrouver. Certains sont discrets (des bat-logos par-ci, un poster de la série animée par-là), d’autres clairement mis en avant, comme les bat-mobiles des différentes adaptations cinématographiques. Le tumbler, la voiture de la série de 1966 tout comme celle de Tim Burton, tout y est et c’est un régal pour les fans. Les références à certains comics, en particulier Killing Joke et Un deuil dans la famille, sont aussi bien présentes.
Conclusion
Batman : White Knight est donc un véritable petit bijou pour tout fan de Batman. Lisible par tout fan ou tout néophyte, le scénario et le dessin sont de grande qualité. On a affaire ici à un Sean Murphy qui aime faire plaisir au lecteur, qui ne nous prend pas pour des imbéciles, qui s’applique à peaufiner son scénario, à faire enchaîner les rebondissements, les discours et les actions de façon parfaitement fluide. Il réussi à rendre limpide un récit pourtant exigeant, non pas dans le sens “complexe”, mais dans le sens où la rédaction prend le lecteur au sérieux. Mêlant moments d’émotions, humour, aspects politiques et instants de nostalgie, nous retrouvons dans ce White Knight tout ce qu’on aime à voir dans un bon elseworld.
- Un récit intelligent, bien raconté et rythmé
- Un dessin et une colorisation sublimes
- Un aspect politique bien traité
- Un bel hommage au Chevalier noir
- Le traitement de Nightwing
On reste connecté ? 🙂
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Ce premier tome du Batman : White Knight de Sean Murphy se pose de bonnes questions mais en chargeant trop la mule. Y compris pour les gros clins d’œil de fans puisque ça se veut une suite à la fois des films de Burton/Schumacher (des noms utilisés jusqu’à Mister Freeze), de la série animée de Dini et Timm, de Nolan… Avec même de la critique des versions modernes – on y reconnaît le Batman bourrin qui fait tout péter ou la Harley Quinn à couettes et en short.
Ça n’en fait pas un univers parallèle très original, ni très cohérent (maquillage ou pas pour le Joker ? vers la fin, ça se contredit).
Et reposant sur des divergences temporelles (identités déjà connues, intervertion des Robin) pour mieux justifier que les personnages y agissent très souvent en ne faisant pas preuve de jugeote et de responsabilité – comme c’est déjà le cas dans l’univers Injustice.
Heureusement que le trait à la fois incisif et précis de Murphy pour les dessins, fait passer allègrement la pillule, et que cette histoire n’a pas fini de se développer.